"Cette histoire est vraie puisque je l'ai inventée". B. Vian

Publié le par lae

 

Chacun de nous a en lui un peu de Robinson avec un nouveau monde à découvrir, et un Vendredi à rencontrer.

 

Nous entamons notre quatrième mois en Inde. Et au bout de trois mois, nous nous essoufflons un peu. Pourtant l Inde a garder encore beaucoup de ses mystères, beaucoup de ses délices, beaucoup de ses merveilles. Nous ne cessons d être émerveillées par ce que nous voyons, parce que nous vivons, par ceux que nous rencontrons. Mais l’appel de la fraicheur, des montagnes enneigées se fait de plus en plus vif, de plus en plus attrayant. Nous voyons déjà au bout du chemin le Népal et l Himalaya, les montagnes aux sommets vertigineux, le calme et la quiétude. Shanti Shanti. ( « la  paix » en sanskrit). Le repos et enfin la perspective de poser nos bagages pour plus d’une semaine, de se laisser vivre, de s’ancrer un peu, de prendre racine et d’avoir des habitudes. Notre ambitieux projet initial de l’Inde fut malgré tout éprouvant, fatiguant. Peut-être aurions-nous dû commencer par le Nord, pour être ensuite surprises de la qualité des rapports et des sourires du sud. Il y a autant de monde dans les rues, de vaches et de détritus, mais les rapports sont moins faussés et pervertis par l’argent, les sourires sont francs, les regards sont poignants. Je crois que le Tamil Nadu et Tiruvannamalai restera à jamais le point de connexion ultime et profond avec l’Inde mais aussi avec nous-même. Pourtant, nous en avons parcouru du chemin, nous en avons bu du Chai, mangé des Thalis, pris des rickshaws, bus et trains, visité des ashrams en espérant retrouver ce qui nous avait tant envouté là-bas. Mais non. Sans être déçues évidemment, nous sommes un peu lasses de se bagarrer pour des prix mirobolants, pour des Chai plein d’eau, pour des courses en Rickshaw frôlant à chaque fois la crise cardiaque. Alors oui peut etre que parfois nous sommes moins souriantes également, en miroir me semble-t-il à nos interlocuteurs, moins patientes et moins compréhensives. Et notre corps nous le crie car nous traversons en ce moment même une zone de turbulences intestinales tumultueuses. Aie Aie, notre estomac se tort et nous balance de temps à autres quelques décharges électriques, comme si ça nous prenait aux tripes. Et puis la chaleur du Rajasthan, les 50 degrés heb-dromadaires- nous écrase, nous ralentit, nous fatigue. Je crois que je n’aurai jamais eu aussi chaud de toute ma vie, moi qui pourtant ai dû vivre une bonne partie de mes anciennes incarnations à l’ombre d’un Olivier, appréciant la douce chaleur de la vie et le chant des cigales.

 

HAMPI

Apres le festif de Goa, nous sommes partis pour Hampi et ses décors de western, Sarah, Xavier et moi-même. Le Voyage et ce qu’il offre de surprises et de rencontres nous a fait croiser la route de Mélanie et Momo, de Toulouse, avec qui nous avons passé 5j main dans la main comme si nous avions élevé les cochons ensemble. Décors déjà secs et parfois désertiques, sites archéologiques murmurants un passé étonnant fait de temple perché sur des collines et de ruines, de colonnes, de statues et sculptures. J en connais qui auraient trépigné à l’idée d’être là, d’avoir le pouvoir de faire parler ces ruines qui regorgent de secrets encore bien gardés, d’une histoire culturelle et d’un passé riche inébranlable malgré le temps qui passe. Hampi, nous en avions entendu parler dès nos premiers jours ici, et nous ne regrettons pas d’y être allés, c’est à couper le souffle.

 

MUMBAI

Puis ce fut Mumbai, la fameuse, la grande, la vraie ville indienne. Selon l’histoire officielle, Mumbai serait la contraction entre le nom d’une déesse autrefois vénérée ici, « Mumbadevi », avec le mot mère « aai ». Donc aucun lien avec le nom d’origine « Bombay » qui lui, provient d’une appellation portugaise : Bom Bahia, qui signifie « La Bonne Baie ». Avec ses 15 millions d’habitants (!!!), Mumbai arrive en tête des villes indiennes et s’est trouvée une 5ème place de choix dans le hit parade des mégalopoles mondiales. Capitale industrielle et financière du pays, elle est aussi la plus grande fabrique de romances sirupeuses et de drames passionnels : Bollywood. Cependant, l’autre visage de Mumbai reste encore le fait que c’est le plus grand bidonville de l’Inde : les plus rutilantes fortunes y côtoient  sans la voir la misère la plus rude, la population la plus défavorisée et les bidonvilles (« slums », on aurait tous en tête le film « Slumdog Millionaire ») ont été repoussés et cachés loin des places stratégiques et du centre-ville. La désolation du centre-ville prend place telle une chanson cachée lorsque la nuit tombe et que les indiens les plus chanceux rentrent chez eux. J’ai été personnellement effarée de constater le nombre incalculable de personnes qui dorment dans la rue à même le sol, des enfants, des vieillards, des commerçants sur l’étal de leur boutique, des perdus, des familles entières, au milieu des détritus.

 

 Le hasard de la vie nous a fait arriver à Mumbai alors que se déroulait la coupe du monde de cricket, ici même. Comment dire, le cricket en Inde, c’est comme le fromage en France, c’est culturel, obligatoire, incontournable mais surtout incompréhensible. Entendons-nous bien, je ne suis pas une grande fervente de foot, mais j’apprécie soutenir la France quand c’est l’effervescence nationale pour un ballon qui passe de jambe en jambe, et je comprends rapidement les règles qui le régisse. Le cricket restera un grand point d’interrogation, c’est long (10h minimum pour un match !! ), c’est chiant voire vraiment barbant, mais c’est plutôt drôle de voir les indiens dans les bars ou dans la rue, dans un état de transe profond où la vie s’arrête, les radios et télévisions s’installent partout, tout le monde est à l’affût de l’évolution du match, les dents serrées et le regard crispé plein d’espoir. Finalement, après 10h de match, après toutes ces bières englouties, l’Inde ne pouvait pas ne pas gagner. Alors nous avons vu l’ébullition exploser, les indiens s’hystériser, les verres s’éclater et je ne sais combien de millions de gens dans les rues brandissant ce drapeau orange blanc vert si cher à la patrie. Quand je dis « gens » cela signifie « hommes » bien évidemment, peu de femmes étaient de la partie, et c’est dommage non d’un chien !! Sacrée Inde. Inde Sacrée.

 

Notre passage à Mumbai aura été marqué également par notre prestigieuse prestation dans un film Bollywood ! Happés dans la rue par un recruteur en manque de figurants occidentaux, il nous a bien vendu du rêve et le programme de la journée et on se voyait presque en sarees, nattées, à danser en cœur avec 50 autres personnes.  Enfin… journée intéressante où ils ont bien pu nous exploiter (500 roupies pour presque 24h, soit moins de 10euros, il faut être clair dès le départ que l’on ne fait pas ça pour l’argent), où nous avons fait 8h de voiture A/R, et où nous avons dû répéter la même scène parfois 15 fois de suite ! Bon, j’arrête de me plaindre et je vais clairement dire que cela restera un super souvenir malgré tout et une sacrée expérience ! Il me semble que cela n’arrive qu’une fois dans une vie non… ?

Mumbai nous a séduite alors que l’on craignait clairement l’arrivée dans cette grosse ville, on craignait la circulation déchainée non-stop (merci le cricket qui a vidée totalement la ville), on craignait beaucoup de choses et on ne s’en souvient plus trop d’ailleurs. Bref, Mumbai est validée !

 

  LE RAJASTHAN  

 

Vous vous êtes déjà projeté en rêve dans un monde de Mille et Une Nuits ? Dans un univers composé uniquement pour le plaisir des yeux, en visitant le chapelet des palais où la couleur joue des symphonies toujours changeantes selon l’humeur du soleil, vous entrez dans un univers vraiment à part. Les principales villes, harmonieusement colorées (Jodhpur la bleue, Jaipur la rose, Udaipur la blanche et Jaisalmer la jaune) sont en parfait accord avec les paysages qui les entourent. Tout semble à taille plus humaine. Le Rajasthan est un tout, il faut le visiter en tant que tel. Au fil des découvertes, on démêle l’écheveau des siècles qui se superposent et déteignent les uns sur les autres ; le fouillis de l’épopée rajpoute et moghol s’éclaire, comme on s’habitue à l’obscurité. Peu à peu notre imaginaire reconstruit l’histoire du Rajasthan : querelles entre maharajas, mariages interethniques, trahisons, guerres vengeresses. On se laisse aller à mélanger légendes et réalités. (Si je vous parle d’Aladin vous comprenez mieux ?) Les dieux à visages multiples ne craignent pas de descendre du panthéon pour donner un coup de main à l’histoire. Et puis les Rajasthanis sont beaux, avec leur moustache à la Dali et leur turban jaune safran. Leurs costumes respirent la joie, illuminent le sable du désert. Mais le plus admirable, n’est-ce pas cette grâce naturelle, cette finesse dans leur regard, cette délicatesse des gestes et cette noblesse dans leurs attitudes ?

            Sur ce territoire grand comme les deux tiers de la France résident plus de 56 millions d’habitants. Le Rajasthan est avant tout une vaste région aride, possédant même un vrai désert, le Thar, qui s’étend jusqu’à la frontière du Pakistan. Au centre on trouve une chaîne de montagnes, les Arawelli, dont l’altitude est suffisante pour bloquer les pluies des moussons, ce qui explique la présence du désert au nord ouest. La population est essentiellement rurale et le problème de l’eau, malgré l’important réseau de canaux creusés, reste entier dans les villages reculés, et, depuis quelques années, en raison d’un quasi absence de vraie mousson, il s’étend partout. Le niveau de nombreux lacs a énormément baissé, certains sont même à sec, et les animaux comme les hommes souffrent régulièrement très sérieusement de cette sécheresse.

 

UDAIPUR

Cité ancienne aux rues étroites et vivantes. Les maisons blanchies à la chaux, les balcons aux fenêtres minuscules, le peu de voitures, un palais incroyable (le plus grand du rajasthan), un climat très doux font d’Udaipur l’une des villes les plus merveilleuses du rajasthan, voire même de l’Inde. Un site de film a grand spectacle avec de hautes collines qui enserrent deux lacs de barrage, et des palais baroques étonnant, toujours plantés dans des endroits fabuleux. Et puis, de belles scènes de vie : les prières au temple, les lavandières dont on entend le bruit sourd des battements au bord du lac ; l’odeur de passage des vaches dans les ruelles étroites et sinueuses dont il fait bon de s’y perdre volontairement.

            A Udaipur, le farniente est à l’œuvre puisque de toute façon la chaleur écrasante empêche toute excursion pédestre. Pourtant, nous n’avons pas perdu de temps, entre achats de tissus, cadeaux, tentures et vêtements en tout genre dans la charmante boutique que tient Krishna, balade sur le pichola Lac au coucher du soleil, visite du plus beau palais jamais égalé le « City Palace Museum » et échappée sur une des collines surplombant Udaipur afin d’y admirer la nuit qui vient bercer les habitants de la ville et cette couleur orangée qui illumine le lac. Pour revenir au Palais, cet incroyable édifice de marbre et de granit apparait comme une forteresse gigantesque, longue de 250m, haute d’une trentaine de mètres, d’une étonnante cohérence quand on sait que ce palais fut sans cesse agrandi par les différents maharajas qui s’y succédèrent. C’est un labyrinthe de halls et de salons, un entrelacs d’escaliers et de cours, un dédale de jardins, de patios et de vérandas. Udaipur, si vous deviez ne faire qu’une ville du Rajasthan, n’ayez aucun doute, elle vous accueillera à bras ouverts.

 

PUSHKAR, JAIPUR

Pushkar est une mignonne petite ville toute blanche, lovée autour d’un lac et dominée par des collines. Qu’il est bon de se promener dans cet espace quasi piéton délaissé par les klaxons ! Partout dans la ville règne une certaine nonchalance. C’est certainement ce qui a séduit les babas de tout poil fréquentant les lieux (attention au « spécial lassi » qui n’a presque rien à voir avec cette fabuleuse boisson lactée sucrée innocente) avec assiduité. Parmi eux, beaucoup de nostalgiques à la cinquantaine bien affirmée, venus en « pèlerinage ». C’est vrai que cette ville était, dans les années 70 le rdv des hippies du monde entier. A part cela, Pushkar reste la seule ville en Inde où l’on vénère Brahma, le Créateur, le premier dieu de la trinité hindoue, et la première ville où on a pu admirer les dromadaires envahir les rues, tirer des charrettes, peupler les environs. Quelle grâce majestueuse ! D’ailleurs, c’est ici qu’à lieu tous les ans la plus grande foire aux chameaux d’Inde qui changent de mains après de féroces marchandages. Pushkar c’est aussi les ghâts, le rituel des ablutions, au petit matin ou au coucher du soleil, cela restera un mystère. (On s’est quand même levé à 5h pour aller admirer cette effervescence matinale sans trop de succès…). Pushkar, c’est aussi l’arrivée de Sarah, la copine de Sarah (quelle idée d’avoir le même prénom !) pour quelques jours en notre compagnie. N’oubliez pas de passer à Ashkar guesthouse, c’est juste magique pour boire un Chai et se prélasser sur les coussins sous la chaleur sèche de l’après-midi.

 

Je ne m’étendrai pas sur Jaipur, qui a certainement tous les charmes d’une grosse ville du Rajasthan, avec son palais et ses chameaux et éléphants courant dans les rues, mais cette ville parait folle et rend fou lorsque l’on n’y passe que quelques jours surtout après Pushkar.

 

Notre voyage au Rajasthan aurait dû s’arrêter là, pourtant, nous y serons de retour bien plus tôt que l’on ne l’aurait pensé !

Publié dans Inde-Népal

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M
<br /> Le Rajasthan.... Un monde à part au milieu de l'Inde... Les milles et une nuits, on peut en rêver, les sentir: les palais, les chameaux, l'architecture, la couleur des murs de chaque ville, les<br /> petites ruelles de certaines...<br /> Un gout de rêve qui se mélange à la frénésie de la foule, du bruit, des gens, d'une négociation acharnée pour tout, des rickchaws dont on ne sait pas si on sortira vivant à la fin du trajet...<br /> Et puis, bien loin des villes, dans des petits villages de campagne, des temples qui ressemblent à des monticules de cailloux auprès desquels je ne me serait même pas arrêtée si je n'avais pas été<br /> accompagnée d'un sadhu qui m'a expliqué toute l'importance de ces lieux... La découverte d'une spiritualité qui m'apparaissait bien étrange, et qui pourtant parle, évoque, touche, éveille...<br /> <br /> Tes mots m'ont ramené quelques années en arrière... Là-bas... On en a déja tellement parlé ensemble, mais voilà ca confirme bien ce que j'avais ressenti. Les gens disent: l'Inde on aime ou n'aime<br /> pas. Pas vraiment d'accord avec ça, car l'Inde c'est pas juste l'Inde. C'est l'Inde au 10000 facettes, aux différentes coutumes, aux différents rythmes. Le nord , le sud... Chaque ville, chacun...<br /> Chaque village... chaque Dieu... Des différences partout, à chaque instant... La folie de certaines villes avec klaxons, foule et misère; opposée au calme, à l'ayurvédique, à la méditation...<br /> l'accueil vrai et réel de certains, l'intéret caché derrière un sourire pour d'autres...<br /> <br /> Que ce soit à l'intérieur même du Rajasthan ou ailleurs en Inde, on passe d'une émotion à l'autre, d'un ressenti à l'autre. On ne s'adapte jamais vraiment car tout est toujours différent. L'Inde<br /> tellement différente de ce qu'on connait (système de castes, religion, rythme, situation de la femme, travail de enfants, ...) et ca change tellement d'une ville à l'autre, du rue à l'autre... En<br /> essayant de comprendre, de s'y adapter, sans forcément y arriver, personnellement je me suis rendu compte que tous mes sens se sont développés, comme par survie, comme par obligation. Car tout va<br /> vite, dans une autre logique que celle que je connaissais... L'odorat: passant des odeurs de détritus, de pollution, aux odeurs d'épices, d'encens, du chai... Le toucher: les massages, les gens qui<br /> nous bousculent, la douceur des textiles, la dureté des sièges des rickchaws... La vue: les couleurs des habits, les épices, les temples, la misère... L'ouïe: les klaxons, les chants...<br /> <br /> Une sensation de dingue, mais bien fatiguante en effet...<br /> <br /> J'imagine que le désir d'en découvrir encore plus est fort!!! Mais cette fatigue et ce désir de repos dont tu parles semblent bien légitimes, après tout ce que vous avez vécu!!!<br /> <br /> bonne route encore une fois à vous 2!<br /> et continues de nous faire autant voyager...<br /> <br /> Milles bisous!<br /> <br /> <br />
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