L’HORIZON PARAIT SI VASTE QU’IL EN DEVIENT INACCESSIBLE
« Il y a une constante anthropologique indispensable à l’être humain qu’il nous faut préserver : la quête d’émerveillement, la nécessité de quitter le bouillon de culture des mots et des idées pour se confronter à l’espace. »
LA VALLEE DU GANGE
RISHIKESH
Nous nous sommes donc retrouvés à Rishikesh, plantée à 356m d’altitude, sur les premiers contreforts de l’Himalaya. « La cité des Rishis » a acquis une certaine notoriété internationale dans les 60’s en recevant Les Beatles venus découvrir la méditation transcendantale. Depuis, la « capitale mondiale du Yoga » ne cesse d’accueillir, aux côtés de milliers de sages, des Occidentaux à la recherche de leur propre identité et, pour certains, désireux de s’initier à l’exercice du Yoga et de la méditation. Il y règne une atmosphère un peu « baba » mais qui reste clairement bon enfant. Nous avons élu domicile à Lakshman Jula » quartier piéton à l’ambiance paisible et propice au repos de l’âme. Après avoir cherché moultes ashrams, centres de yoga et/ou centres de méditation, nous n’avons réussi qu’à y trouver parmi l’offre foisonnante parfois attrape-touriste de Rishikesh digne du rayon fromage de carrefour (le fromage me hante vous ne trouvez pas ?) un ashram, le plus loin possible de notre guesthouse, et tout au bout d’une allée sans issue, au bord du Gange, ou le yoga pratiqué ressemblait plus à un cours de fitness et de gymnastique intense, loin de l’image « yoghi » de la position du lotus qui nous attirait tant. On aura quand même réussi à y méditer avec des cours (!) et à apprendre quelques mantras en sanskrit. Nous aurons néanmoins exploré un tant soit peu les environs, une petite cascade perdue a quelques kilomètres, une fête religieuse hindoue bondée au bord du Gange, et des allées et venues incessantes entre notre montagne et Rishikesh centre. Rishi (pour les intimes), capitale mondiale du yoga certes, mais il faut savoir décerner le vrai du faux…
THE RAJASTHAN, ROUND II
De retour à Delhi pour dire au revoir à notre troisième mousquetaire Xavier qui s’en retourne à sa vie intermittente, et accueillir ma chère et tendre « môman » pour 10 jours intensifs aux paysages arides et aux chameaux endiablés. Mais ca, nous ne le savions pas encore, nous pensions l’emmener dans les montagnes, et pourtant nous avons bouclé dans une agence 10 jours au Rajasthan (« Le retour ! ») avec l’aide d’un chauffeur et d’une voiture climatisée. Rappelons qu’à cette époque, il fait quand même 50 degrés, sans cocotiers et sans plages. Bref, le luxe intégral, 10 jours inoubliables.
Pourquoi choisir une voiture et un chauffeur ? Plusieurs raisons. La première étant immanquablement le respect évident de ma chère maternelle qui a le double de mon âge. Non pas que je ne la voyais pas dans un bus indien entassée entre des poules et un homme qui scotche sur elle 9 minutes sur 10, ni la chaleur et le manque d’espace, encore moins le bruit et les odeurs, après tout elle nous avait rejoint en Inde, il fallait qu’elle en goûte un peu. Mais bon, j’ai décidé de partir en vagabonde, elle nous a rejoint et a traversé la moitié de la planète pour nous voir, elle ne m’a jamais dit que son esprit hippie des années 70 l’avait rattrapé et qu’elle décidait de nous suivre à notre rythme. Après tout, l’adaptation de nous à elle fut bien plus simple que l’inverse. Quand on part de pas grand-chose, on s’habitue facilement au grand lit avec clim et eau chaude voire wifi dans l’hôtel (oui on a plus ou moins aussi laissé tomber l’idée des guesthouses…).
Louer une voiture avec chauffeur fait économiser beaucoup de temps et de fatigue si importante quand on n’a que 10j ! Cela permet également une approche du Rajasthan par petites touches. On quitte lentement une Inde moderne pour s’immerger plus profondément dans l’Inde traditionnelle. Les chameaux apparaissent plus nombreux à mesure que le paysage se fait plus sec et plus rude. Habitations faites de terre et décorées dans la masse. Hommes aux turbans colorés et à la fière moustache, femmes drapées dans des sarees aux teintes vives, incrustés de minuscules miroirs étincelant au soleil. Et puis nous voyagions avec un indien pure souche, quoi de mieux pour toutes les questions et interrogations qui nous taraudaient perpétuellement ?
En tout cas, je peux dire que je suis fière d’elle et de ce qu’elle a fait, je suis touchée de sa venue, je suis épatée de son adaptation dans ces conditions, en Inde, un merveilleux voyage, au pays des milles et une nuits, round 2.
Nous avons commencé par visiter Delhi, son « Indian Gate » et sa réplique du Taj Mahal ainsi que plusieurs tombeaux de je ne sais plus trop qui. Très joli, mais très impatientes de vivre ce qui s’annonçait par la suite.
La suite, dès le 2e jour, fut la venue à Agra, première destination touristique du pays avec près de 3 millions de visiteurs, les monuments d’Agra comptent parmi les plus beaux qui soient, et la visite de l’incontournable, le merveilleux, l’inoubliable Taj Mahal, chef d’œuvre de l’architecture Moghole devenu un peu paradoxalement l’emblème de l’Inde. Petit hic au décor, le prix d’entrée qui est de 750 roupies indiennes pour nous et de 20 roupies pour les Indiens ! C’est en effet, le site le plus cher du pays. Payer plus oui, pigeonner non…
Le TAJ MAHAL
Le monument est donc le plus visité du pays (plus de 15000 visiteurs par jour en pleine saison) et l’un des plus célèbres au monde. Mieux vaut se lever à l’aube (et encore, ils sont coriaces ces indiens habitués à se lever à 4h tous les jours !!) ou peu avant la fermeture. Nous avons décidé d’y aller le matin. Ca y est, la tirelire est cassée, la queue interminable est évitée, et le Taj Mahal nous attend. ( Si, si !) Les architectes qui avaient compris la magie du théâtre, eurent à cœur d’organiser une mise en scène en cachant le mausolée derrière des murs et une porte toute simple, si bien qu’on le découvre brutalement (et le mot est faible !) avec tout le drame d’un rideau qui se lève. Applause, ça vous prend aux tripes, à la gorge, c’est beau, c’est d’un coup, c’est comme ça, sans détour, sans artifice, vous êtes seuls face à lui, majestueux, imposant, les yeux dans les yeux. Silence, ça tourne. Première vision, éblouissante et presque irréelle après le passage du portail de grès rouge qui en masque judicieusement la vue, le mausolée de marbre blanc apparaît au bout d’un long jardin, flanqué de part et d’autre de deux édifices en grès rouge (la mosquée et sa réplique, décorées de motifs floraux multicolores sur fond blanc). Planté au centre d’une vaste plate-forme, il se dresse, colossal, et en même temps si léger et aérien ; il semble flotter dans les airs, sans doute grâce aussi à ce long bassin qui le réfléchit à ses pieds, vous laissant un long instant pétrifié d’émotion, sans voix, vide de pensées, juste ébahit.
Mais avant d’assister à ce spectacle fantastique, revenons quelques instants sur son histoire, car ce monument est assez unique au monde. La légende prétend qu’il n’a pas été créé pour célébrer une ferveur religieuse, ni pour symboliser la marque finale d’un monarque triomphant. Construit de 1631 à 1653, le Taj Mahal est dédié à l’amour, un amour qu’un empereur, Shah Jahan, a perdu. La mort de Mumtaz Mahal, la muse du souverain, sa compagne de tous les instants ainsi qu’une beauté légendaire, laissa le cœur du monarque dévasté. Fou de chagrin, il fit vœu de construire un monument à sa mémoire qui n’ait pas son pareil au monde. Comme aucun architecte du royaume n’était capable de concevoir un projet à la dimension de la douleur de l’empereur, celui-ci aurait alors convoqué l’architecte perse le plus célèbre et tué sa fiancée. (On ne lui en voudra pas, c’était pour bâtir le Taj Mahal tout de même…!!!) Comprenant alors la terrible douleur du sultan, l’architecte fut capable d’imaginer le Taj Mahal… s’ensuivirent 22 années de dur labeur pour plus de 20000 artisans, venus pour certains du Moyen-Orient ou même d’Europe. Voilà pour la légende, si belle qu’on ne prêtera qu’une oreille distraite à certaines études récentes privilégiant la thèse d’un sultan orgueilleux…
Après Agra, nous sommes parties pour Ranthambor, le parc national ou il est possible de voir des tigres blancs ! Les tigres sont restés discrets, mais cette aventure (folle folle folle…) à bord d’une jeep nous aura quand même baigné dans une atmosphère particulière aux allures du livre de la jungle. Crocodiles, oiseaux bizaroïdes, bambi et cerfs en tout genre, singes, bref, la magie opère radicalement. Encore une fois levées à l’aube, nous sommes reparties sans images du tigre, mais telle est la loi de la nature non ?
Puis nous avons rejointBundi, à mi chemin entre Jaipur et Udaipur. La petite cité de Bundi ne figure pas encore sur la liste des tour-opérateurs. La Cité des Sources comme on la surnommait autrefois, apparait au détour de la route comme un vision presque irréelle, blottie au pied de son majestueux palais suspendu avant de s’étaler jusqu’à son marché, presque aux portes de la plaine. L’effet est d’autant plus intense après la traversée de ces plaines désertiques et monotones parfois qui s’étendent au nord-ouest, vers Jaipur. Fraicheur des collines, bleu des maisons, ocre du palais, murailles qui grimpent, bassins parfois à sec en cette période de chaleur intense. Après avoir franchi l’une des monumentales portes de la ville, on se retrouve plongé dans l’Inde profonde. L’effervescence du bazar, les scènes de rues, la rencontre avec les enfants procurent alors un vrai plaisir. Plus bourg de campagne que ville, l’âme de Kipling se serait échappée d’Angleterre pour revenir ici avec ses récits hautement imagés qui vont accompagneront partout. Cités des Sources disions-nous plus haut. En fait Bundi est la ville des bassins et des puits. Il y eut jusqu’à 65 puits à escaliers dans et autour de la ville. On est allé chercher l’eau au plus profond de la terre et c’est ce qui a longtemps donné à la ville son aspect verdoyant, mis à mal ces dernières années par les sécheresses successives.
Après Bundi nous avons fait un second voyage à Udaipur, cette ville enchanteresse qui nous avait tant émerveillé la première fois. La stupéfaction fut son retour comme si nous n’avions jamais mis les pieds auparavant dans cette Venise de l’Inde. 2 jours pour arpenter les ruelles pentues, pour revoir le majestueux palais, pour faire quelques achats et retourner en haut de la montagne pour y admirer le couché de soleil. Sur la route de Jodhpur, nous avons fait une halte sur le temple Jaïn le plus grandiose d’Inde, à Ranakpur. Puis ce fut au tour de Jodhpur, deuxième ville du Rajasthan, plus trépidante qu’Udaipur mais moins charmante que celle-ci, plus reposante que Jaipur mais moins homogène. La cité possède deux visages bien distincts et assez opposés : la vieille ville, labyrinthe de ruelles étroites et vivantes, curieusement très peu explorée par les visiteurs, fouillis sympathique du bazar où ne circulent quasiment que les deux roues et les rickshaws ; et la ville moderne, aux larges artères polluées, où résonne sans cesse un vacarme exténuant. Cette forteresse emblématique de la ville, d’une majesté sans égale, est sans doute l’une des plus belles et l’une des plus imposantes de l’Inde. Toute de grès rouge, renfermant plusieurs palais, des temples, des cours… un projet mégalomane. De la haut, on est frappé par la couleur bleu lavande de la plupart des maisons qui donne un aspect particulièrement frais à cette cité. D’ailleurs Jodhpur est une des villes les plus ensoleillées de l’Inde et surtout celle où la pluie est le plus rare, d’où son surnom de Sun city. On ne compte en moyenne que 18 jours sans soleil, ce qu’il ne veut pas dire qu’il pleut, juste que le ciel est couvert… Autre particularité à savoir également pour la bonne compréhension de la cité : 10% de la population est dans l’armée car c’est la grande ville la plus proche de la frontière du Pakistan. Ah oui, j’allais oublier, nous sommes déjà le 28 Avril, je souffle mes 27 bougies imaginaires en pensant à vous !
Et nous voilà à la dernière étape de notre périple, Jaisalmer. Il faut faire un effort pour atteindre cette ville au fond du désert de Thar. Un effort vite récompensé quand de loin, on aperçoit cette époustouflante forteresse de couleur jaune émergeant d’un désert plat et semi aride. On dirait un grand château de sable sorti de l’imagination d’un enfant sur une plage en été. Un rempart de 5km l’entoure. Jaisalmer c’est aussi la découverte du désert à dos de chameau lors d’une saison peu touristique, on domine vraiment le monde à ce moment là. Un désert plat et sauvage, rythmé par quelques minuscules villages et surtout, de-ci, de-là, quelques belles dunes où il fait bon d’admirer le soleil disparaître. Cette belle épopée se sera terminée par un spectacle de danse rajasthanaise, musique et habits traditionnels. Un pur plaisir.
Nous sommes reparties en train pour 20h de voyage pour rebrousser ces 3000km parcouru pendant ces 10jours. De retour à Delhi, on se quitte à l’aéroport, on s’embrasse, c’est tellement chouette de recevoir la visite des personnes mais parfois difficile de les laisser partir. Les montagnes nous attendent, nous partons incessamment sous peu pour Dharamsala et son dalaï lama.