Sacrées vaches!

Publié le par lae

                                                                                      CHAPITRE II: L'Inde

 

 

"Le voyage

est cette surface offerte à la pensée

pour divaguer en toute liberté"

 

 

              L'Inde du Sud, qui sera une grande partie de notre voyage, couvre la majeure partie du centre de l'Inde jusqu'à son extrême pointe, allant à la rencontre de l'océan. Cette masse de terre triangulaire est cernée par les eaux de la Baie du Bengale du côté est, par la mer d'Arabie du côté ouest et l'océan indien du côté sud.

 

                Simples voyages, pélerinages, recherche spirituelle, méditation dans les ashrams, trésors et ruines historiques, plages splendides, envies d'ailleurs et d'autres, quelle qu'en soit la raison, le voyage en Inde est susceptible de nous apporter bien plus que tout ce que l'on avait imaginé. Ce qu'il faut savoir, d'un sentiment partagé, nous nous sommes dit que l'Inde nous avait choisi, que c'est elle qui nous avait appelé, bref, quelque chose d'inexplicable.

 

             Que l'on adore ou que l'on déteste, que l'on ait envie d'y revenir ou d'en partir immédiatement, l'Inde est une partie du monde que l'on ne peut définitivement pas oublier. Aujourd'hui je comprends mieux quand on m'avait dit : "Tu vas voir, il y a un avant et un après l'Inde..." Fermez les yeux deux minutes: Il fait 30 degrés, imaginez-vous dans une rue poussiéreuse bruyante, sans trottoir, grouillante de monde, de taxis, vélos, rickshaws, motos ( qui roulent à gauche) qui klaxonnent tous en même temps, de piétons, chiens, mendiants (dit sadhu, drapé dans une simple pièce de tissu de couleur safran), marchants ambulants, et voyez une vache chiper subrepticement des pommes de terre dans l'épicerie du coin ou arrêter la circulation car elle a décidé de traverser la rue à cet endroit précis à ce moment précis. Ou bien imaginez-vous dans un Ashram, pieds nus, écoutez les védas des Brahmanes (on considère que les vibrations des sons sacrés qui émanent de cette prière dégagent une énergie mystique ), enivrez-vous des vapeurs d'encens, ornez vos cheveux de guirlandes de Jasmin éphémères et placez un bindi sur votre front, entre vos sourcils, et enfin, voilez-vous les épaules d'un châle de soie, afin de mieux ressembler aux indiennes tellement rayonnantes dans leurs saris multicolores. Sans parler des bazars locaux fourmilliants de vie, du "Chai" (thé) mousseux que l'on transvase d'un verre à l'autre pour l'aérer ( on compense avec le thé puisque la bière n'est pas de mise...), de la musique délicieusement sentimentale directement issue des films inégalables indiens, de l'entêtant mélange de fumée des beedis (cigarettes locales) et des parfums d'épices, ni des séances de Yoga dispensées par un "gourou" de 80 ans qui affirme avoir atteint le Nirvana! De tous ces moments, émane une magie inoubliable.

 

              Soulagées de voir que l'Inde ne nous a pas rejeté, mais enveloppé chaleureusement, la lune de miel est sans pareil. Le petit Futé que nous transportons dans notre sac nous avait prévenu, 50% des touristes tombent malades dans les 48heures suivants leur arrivée. Ouf, sauvées. Malgré tout, il se dit ici que si on ne tombe pas malade en Inde, c'est que nous ne sommes pas allées en Inde...

 

          Après une journée a Chennai - et presque 15h de voyages, une escale à Kuala Lumpur en Malaisie où nous y avons squatté un bout de sol de l'aéroport pendant quelques heures en attendant notre correspondance au petit matin et un avion où nous étions les seules blanches... - une première immersion dans ce chaos organisé, une première approche de la fabuleuse gastronomie indienne ( "euh... ils sont où les couverts pour manger?? les assiettes?? Non parce que manger avec les doigts et dans des feuilles de bananiers c'est sympa mais... ah... c'est comme ca ici? Bon bah... allons-y alors!" :), nous nous sommes rendues compte que tous nos principes et repères bien ficelés depuis toujours partaient en fumée comme un bâton d'encens face au vent. Il faut tout réapprendre, tout est si différent, si sacré, si codifié, tout prend un sens si lointain de nos rassurantes assises occidentales...

 

              Nous avons rapidement rejoint "Tiruvannamalai" (à vos souhaits!) et Anne, l'amie de Sarah, psychologue à la retraite et indienne à ses heures perdues (ou gagnées?). Immersion immédiate, spontanée, brutale mais pas vraiment choquante. On s'y était préparée, on avait essayé de l'apprivoiser cette Inde si mystérieuse, mais on se ne doutait pas à quel point elle bouscule, hypnotise et envoute à la fois ( et la je pense que ceux qui y sont allés ne me contrediront pas, hein Myriam? Maelle?).

 

               Qu'est ce qu'on y fait à Tirumachin? Des petits trucs, des petits riens, on a acheté du tissu pour sari et on est allée chez le couturier pour nous faire des tuniques et des châles sur mesure, on boit des jus de fruits frais, du chai (prononcé "tchaïe") au gingembre et à la cardamone agrémenté de lait, on parle à droite à gauche avec des touristes ( en tout cas ceux où l'on voit encore une once de présence dans leurs yeux), avec des indiens, on se ballade dans la montagne "Arunachala" qui commence au pied de la ville, on va voir les grottes de méditation, on observe les singes en liberté un peu partout, on pose pleins de questions sur la religion ( "Et Shiva c'est qui? Et Parvati? Et Ganesh? Et pourquoi on peut l'appeler aussi Ganapati? Et pourquoi ils ont un point rouge sur le front?Et pourquoi les vaches sont sacrées et pas les poulets?..." Bref, vous voyez le genre. Promis, je vous ferai un compte rendu plus détaillé un peu plus tard), sur les castes, la culture indienne, leurs valeurs, leurs manières de faire, de penser, de manger avec les doigts... on s'aventure petit a petit dans ce monde cosmique qu'est l'Inde.

 

                Bon, je ne vais pas tourner autour du pot plus longtemps, je dois quand même avouer que ce qui nous monopolise le plus, c'est bien evidemment le côté spirituel de la chose. On le cherchait même! Ben la je vous jure qu'on l'a trouvé... Ou lui nous a trouvé. Enfin en tout cas on a les deux pieds dedans. Et la tête surtout. Moi qui avais cultivé toutes ces années un petit jardin zen dans un coin de ma tête, je peux vous dire que finalement il ressemble plus à un potager de chez Germaine qu'à un vrai jardin zen. ( A bon entendeur...). Il faut savoir que "Tiru" (pour les intimes), c'est le berceau de la spiritualité, c'est LA ville sacrée d'Inde par excellence, notamment dû à cette montagne (qu'ils appellent Shiva, en référence à leur Dieu). Allez savoir pourquoi au bout de deux jours nous nous sommes retrouvées là. C'est fou quand même. Mais... il n'y a pas de hasard non? A peine arrivées, on nous parle de méditation... Ah oui... la méditation. Quel concept! On en a tous entendu parlé, quant à l'appliquer... C'est vrai quoi, qu'est ce que c'est? Comment on fait? Qu'est ce qu'il faut faire? Non parce que, nous on a l'impression que plus on nous dit de faire le vide, plus notre tête se remplit de vanités, de pensées, de souvenirs... Sans blague, rester assis en essayant de faire le vide dans une salle d'un Ashram avec 30 personnes qui font la même chose ou tout du moins prétendent le faire, et 30 autres qui tournent autour d'une statue du maitre spirituel dans une marche attentive, au premier abord, ca peut faire flipper. Alors, notre chemin croise d'autres chemins. Et on fait comment pour différencier les belles ballades des impasses? Je m'explique. Autour d'un Ashram virvoltent: les indiens qui viennent prier leur Dieu Shiva; les curieux qui viennent jeter un oeil; les novices qui viennent s'essayer à une autre manière d'être; les enracinés qui viennent tous les ans, aux memes dates, avec les memes idées, les memes tuniques, sans vraiment avancer; les occidentaux paumés qui sont deja partis ( Mais ou???); les blasés qui nous disent avoir deja fait le tour de la question mais qui reviennent; les fidèles initiés qui y ont trouvé une certaine paix intérieure, et ceux, certes inscrits dans la réalité, mais qui nous parlent de Dieu continuellement... sans oublier, les vaches, les paons, les singes et les chiens, animaux sacrés qui habitent les lieux. Alors comment, au début tout du moins, différencier un discours de ceux qui sont sous la coupe d'un "gourou", des autres. D'autant plus qu'il y a "gourou" et "gourou". Oui parce que "Gourou" ici, signifie "maitre spirituel"... et les sectes sont légales, ce sont juste des courants religieux gérés par des "gourous"...

 

                Alors, on ne se laisse pas envahir, on s'y essaye, on apprécie ces moments de paix, on partage, on s'émerveille, on va fouiller un peu au fond de soi pour voir si on s'y trouve, on s'imprègne des lieux, on écoute les chants souvent envoutant, on s'invite à l'ashram pour y boire le chai de 16h, on assiste à des lectures, (notre emploi du temps est presque surchargé!) à des "satsang" ( discussions qui ressemblent parfois à des thérapies de groupes! ), on bouquine dans notre coin, on rencontre des gourous bien evidemment ( ils n'ont pas tous une longue barbe et ne demandent pas forcément notre numéro de cb...), on discute de toute cette recherche spirituelle de soi avec des initiés, bien heureux de partager leur vécu, parfois même trop, on fait un peu de Yoga avec José, le prof espagnol, on observe et on prend ce qu'il y a de bon à prendre, on fait le plein! On déplore aussi la santé mentale de bien des occidentaux qui se sont surement perdus dans les couloirs reliant les salles de méditation à leurs propres salles intérieures. Cela se résume à ça, et on est bien contente de le vivre, croyez-moi, mais avec le maximum de recul possible que l'on peut avoir. Après tout, ça ne fait qu'une semaine que l'on est en Inde quand même. Seulement une semaine... Enfin, déjà 8 jours... et bientôt, on repart pour Pondichéry, même si je vous assure que c'est pas facile de quitter Tiru, cette ville cosmico-énergico-spirituelle.

Publié dans Inde-Népal

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
T
<br /> la consistance de ton récit parle de lui même, l'Inde est complexe, fabuleuse, mystérieuse, étonnante, enivrante, délivrante, déroutante mais surtout détonante de vie, de parcours, d'expérience, de<br /> chaleur, de malheur, de joie et d'envie pour nous petit français laissé à l'abandon dans notre vieille france. On pense à toi Mlle, ici la méditation à depuis longtemps perdu sens et se noie dans<br /> un flot d'individualisme lattant qui tue nos racine mais pas notre courage, qui ensevelie nos liberté mais pas nos espoirs. Alors profite de cette avalanche d'expérience, tout est bon à prendre, il<br /> s'agit de savoir laisser les choses sans les abandonner mais en se souvenant qu'elles nous construisent. Mekton style in the place tite maminette. bisous<br /> <br /> <br />
Répondre
R
<br /> ca semble être la techtonique des cultures ce choc entre tahilande europe et Inde!.. 8 j et tj pas malade alors.. merci pr les textes et les phots! et bonjour à Tongues raider! bises Raf<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> Ca donne presque envie l'Inde ^^! La religion la bas est assez complexe car ils ont pas mal de dieux mais rien d'insurmontable. Pour fêter le fait que tout se passe bien de ton coté, Felix a mis<br /> des fausses cornes de vache et il a tenté de se servir à table. Hélas.... ce n'est pas l'Inde ici ! Du coup Daria l'a sacrifié pour la déesse Kali :p.<br /> Biz Laé =)<br /> <br /> <br />
Répondre
K
<br /> Laé,<br /> <br /> Je viens de parcourir avec déléctation toutes tes photos qui, comme d'habitude, font rêver et donnent envie! Envie d'être là-bas dans ces pays fabuleux, même, si je suis loin d'avoir ton côté<br /> "roots"et que mon côté "confort" serait plus que malmené;<br /> grâce à toi je parcours ces pays là aussi, et c'est d'autant plus facile de s'y imerger tant tu en parles bien;on parvient presque à sentir les effluves, la chaleur, les émotions; j'adore ta façon<br /> d'écrire (même si les textes ne sont pas du tout aérés....):tu y meles l'humour, l'émotion, la contemplation, l'observation minutieuse et fine;<br /> on a envie d'y être<br /> Profite à fond<br /> bisous<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> Génial ton article comme d'habitude. J'ai hate d'être avec vous bisous maman<br /> <br /> <br />
Répondre