Un instinct migratoire et autres réfléxions
L’homme pressé, précis, efficace,
labélisé par toutes les formes de gouvernance actuelle
ne va pas de l’avant, contrairement à ce qu’il pense.
Il est rivé au présent, car il néglige de vivre avec son temps
à force de vouloir vivre avec l’accélération de son époque.
La notion de voyage évoque celle d’évasion, de traversée, au sens propre ou figuré (traversée littéraire, psychanalytique, spirituelle, physique…), vers une « terre promise » de connaissances nouvelles, de jouissances inédites ou, parfois même, celle de trajets sans but, plutôt sans autre but que de quitter son enclos pour mettre le cap sur l’inconnu. « La lenteur révèle les choses cachées par la vitesse. » Ainsi, la joie de se déplacer l’emporte sur le besoin d’arriver.
Le voyage forme-t-il toujours ? Ne déforme-t-il pas souvent le voyageur, mais aussi et surtout l’environnement physique et social ? Et pour cette construction d’un nouvel art de vivre, le voyage ne peut-il être vu comme un moyen important, fondamental, de découverte de soi et du monde, à alterner judicieusement avec des périodes de non-voyage ? Ainsi, le voyage tel un synchroniseur possible de vie.
« Voyage », son radical « voy » et son suffixe « age » qui indiquent la pratique, l’usage avec en l’occurrence ici, l’usage de la voie. Dans la culture extrême orientale, la voie – le tao- est érigée comme chemin symbolique de connaissance et de sagesse. La voie du ciel et de la terre, du cœur et de l’âme, du monde, de l’amitié, de l’ambition, de l’existence…
« Pulsion migratoire », André Gide murmurait à la jeunesse : « Seules resteront vivantes les plantes qui jailliront loin de l’arbre semeur », désir d’exister, au sens étymologique du terme, « ek-sistence » qui sous-entend le mouvement, la coupure, le départ, le lointain. Exister, c’est sortir de soi.
Ce dont je suis redevable à mes rencontres interculturelles, c’est de me permettre, en bouleversant mes évidences par l’assurance tranquille avec laquelle ils adhèrent aux leurs, de m’interroger en retour sur ce que je tenais jusque là, plus ou moins consciemment, pour des vérités incontestables.